D’après une étude très officielle du ministère de la Culture (1), le nombre de lecteurs “réguliers” (au moins 20 livres par an) a diminué, en France, entre 1973 et 2008, de 28,75%, passant de 11 200 000 à 8 000 000.
La part de ces lecteurs réguliers est en diminution dans tous les groupes sociaux, tous les âges, et dans les deux sexes. Mais leur nombre a pu croître dans certains groupes qui ont vu leur population augmenter.
En réalité l’effectif disparu: 3 191 000 correspond exactement à la diminution du nombre d’ouvriers lecteurs réguliers. Ces lecteurs qui étaient 4 millions en 73 sont aujourd’hui 800 000. La classe ouvrière est acéphale.
Depuis 1968, la domination spectaculaire a élevé plus d’une génération pliée à ses lois. L’hécatombe des lecteurs -notamment ouvriers- en est le moyen et l’effet.
Il fallait bien que la pensée s’adapte. En 1987, cet abaissement trouva son titre “Le maître ignorant” et un auteur qui n’avait jamais accepté la critique du spectacle et s’agitait pour sauver le spontanéisme en pleine débâcle. Alors que le spectacle menait sa guerre contre la lecture, Rancière trouva utile de travestir l’expérience des classes révolutionnaires qui au XIXème siècle s’étaient précisément emparé de la culture, et d’exalter les nouveaux illettrés.
(1) Culture études, Pratiques culturelles, 1973 – 2008, Olivier Donnat