LA JEUNE FILLE QUI LIT DANS UN PARC D’ HOLLOWAY

                                                                                                                                                    IllustrLaliberteTaksim

La jeune fille qui lit dans un parc d’Holloway est un emblême à la pointe sèche, dans le style de Ripa.

Il y a le parc, un espace public du XIXème siécle, un de ces lieux dont le nombre ne cesse de se réduire au profit des mega espaces commerciaux, urbains ou numériques, accessibles mais privatisés. Il y a le refus du travail, la critique du travail et de l’aliénation: elle allait au bureau, au magasin, a décidé soudain de quitter son chemin pour entrer dans le parc et s’asseoir; elle est un peu décalée, ce pourquoi on la remarque. Il y a le choix de la lecture. Lisant elle s’évade de l’économie de l’attention. Aujourd’hui le lecteur est une lectrice. Dans les classes populaires, le père ne lit plus. Elle, comme Maria Alekhina, associe lecture et liberté.

La jeune fille qui lit dans un parc est une allégorie de ce qu’Holloway appelle «l’extrémité fine de la brêche». Elle préfigure les nouveaux sujets, les nouvelles pratiques, les nouvelles situations. Il n’est pas très difficile de saisir cela: toute la culture accuse la société du spectacle contemporaine, et la culture de soi est la base de toute critique, le centre de toute opposition.

Sur cette brèche là, d’autres figures sont disposées: le repas entre amis, certaines écoles philosophiques, certaines expériences artistiques, certains groupes d’exercice, certains collectifs technologiques ou de critique de la technique, des groupes d’entraide et de partage, les zones comme Notre Dame des Landes ou l’usine Vio-Me à Thessalonique, les mouvements comme Occupy, Syntagma, Taksim, les Indignados, Sao Paulo et dans les pays arabes.

Souvent leur existence ne peut être détectée que par une sensibilité spéciale. Plus souvent encore, leur reconnaissance tranche par le type de liberté qu’elle engage. Il y faut un certain regard, un regard d’artiste plutôt que de militant. Se considérer soi même et considérer les autres comme des acteurs et non des spectateurs, des sujets et non des objets du travail et de la consommation. Il faut savoir qui on cherche.

La plupart du temps celle ou celui qu’on cherche habite à côté. Ce fait ne saurait s’expliquer sans plus de façons, il faut d’abord l’accepter comme une donnée expérimentale. Il a des racines si profondes qu’on ne peut pas y mettre obstacle quand bien même on se donnerait pour tâche de le faire. Cela vient de ce qu’on ne sait rien de ce voisin cherché. On ne sait en effet ni qu’on le cherche ni qu’il habite à côté, et dans ce cas on peut être absolument sûr qu’il habite à côté.

Rien n’empêche de connaître comme telle cette donnée de l’expérience générale, la connaître n’est pas le moins du monde gênant, même quand on s’impose de s’en souvenir. Les Obscurs connaissent de nombreux cas de ce genre. Nous en rapporterons certains.

Voir: John Holloway, Crack Capitalism, Libertalia, 2012

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