Culture de soi: quelques entrées

Par Alain Giffard

Fin 2009, j’avais présenté, devant l’association Ars Industrialis, une courte introduction sur le sujet « Culture de soi, techniques de soi ».

J’ai repris ici, avec des mises à jour, la première partie de cette intervention, soit une tentative pour préciser le vocabulaire de référence, latin et grec. On trouvera ensuite quelques pistes de lecture largement complétées et remaniées. J’ai écarté les remarques sur les techniques de soi, en général, et en particulier sur la lecture comme technique de soi, que je traite ailleurs de manière plus approfondie.

VOCABULAIRE AUTOUR DE LA CULTURE DE SOI

A] Autour du souci de soi

Grec

Mélétè
1 soin ; 11 souci ; 12 sollicitude
2 action de s’occuper de ; 21 pratique, exercices, ex : pratique des fatigues, de la mort, chez les Spartiates ; 22 exercice de préparation oratoire ; 23 sujet d’étude, étude (avec Mathèsis)

Epiméléia
1 soin ; 2 surveillance, gouvernement, administration (construit à partir de mélétè comme sur-veillance à partir de veille)

Epiméléia héauthou
Soin, souci de soi

Mélétao
1 prendre soin ; 11 en général ; 12 en médecine
2 s’occuper, exercer, pratiquer (un art, en particulier l’art oratoire)

Mélétèma
Etude, exercice pratique

Epiméléomai
1 avoir soin, s’occuper, veiller
2 prendre soin d’une chose, gouverner, contrôler
3 s’appliquer à, s’exercer

Médéo
Prendre soin de, protéger

Thérapéia
1 soin ; 11 soin religieux ; 12 soin pour les parents ; 13 soins attentifs, sollicitudes ; 14 soins quotidiens, traitements médicaux
2 le train des serviteurs, la suite

Askèsis
1 exercice, pratique (d’un art)
2 exercices gymniques, genre de vie des athlètes
3 genre de vie, profession, part. en parlant des philosophes

Phrontis
1 souci, inquiétude
2 manière de penser
3 sujet de méditation
4 pensée, réflexion, méditation.

Latin

Cura
1 soin, gouvernement
2 administration d’une chose publique
3 travail, ouvrage de l’esprit
4 souci, inquiétude
5 souci amoureux

Cura sui : souci de soi (éq. d’ epimeleia heautou)

Curo
1 avoir soin, soigner, veiller
2 s’occuper, faire le nécessaire
3 administrer
4 méd : soigner, traiter, guérir
5 payer, faire payer, régler

Medeor
1 soigner, traiter, remédier, guérir
2 être bon pour un médicament
Forme active : medeo ; medicus : médecin

Meditor
(Forme fréquentative de medeor)
1 méditer, penser à, réfléchir
2 préparer, méditer quelque chose, avoir en vue
3 travailler, étudier

Meditatio
1 réflexion, méditation
2 préparation (à la mort), apprentissage, préparation de discours
3 pratique habituelle, habitude.

B] Autour de « culture »

Chez les Grecs, paideuo et paideia veulent dire : éduquer, enseigner et : éducation, enseignement ; culture et civilisation ; instruction de l’esprit. Paideusis a un sens proche de paideia. Paideutès : le maître ; paideuma : l’élève, le savoir, l’école. Pour  » enseigner  » le grec a aussi didaskein, didaskalia et o didaskalos, le maître.

Latin classique

Cultus
1 action de cultiver, de soigner
2 action de cultiver ou d’honorer une chose (culte des arts libéraux ; culte des dieux)
3 la manière dont on est cultivé, le genre de vie, l’état de culture ou de civilisation.
 » Homines ad hunc humanum cultum civilemque deducere « : Amener les hommes à cette culture civile et humaine. Cicéron, De Oratore.
4 recherche, luxe élégance

Cultio
1 action de cultiver
2 vénération, culte

Cultura
1 action de cultiver
2 agriculture
3 sens figurés :
31 culture de l’esprit, de l’âme.
 » Cultura animi philosophia est  » : La philosophie est la culture de l’esprit. Cicéron, Tusculanes.
32 action de cultiver quelqu’un, de lui faire sa cour
33 action d’honorer, de vénérer, culte. En ce sens, comme Pierre Legendre le fait remarquer, il s’agit non pas de la religion officielle (religio) mais des petits cultes familiaux (ancêtres, génie des lieux).

(Gaffiot et Bailly)

Dans un article très érudit « Cultura : Cicéron et l’origine de la métaphore latine » , Antoinette Novara  rappelle que les Grecs classiques n’utilisent pas la métaphore de l’agri – culture pour la paideia. On connaît cependant deux tentatives en ce sens. Philon d’Alexandrie – précisément un des classiques des exercices spirituels ou pratiques/techniques de soi, auteur du traité « De la vie contemplative » sur la communauté des  » Thérapeutes « – et Plutarque utilisent l’expression « géorgique de l’esprit » ( » psuchès georgikè « ) ; mais ils sont, l’un comme l’autre, postérieurs à Cicéron et ont pu vouloir transposer en grec la formule latine. Leur initiative n’aura pas de suite.

La métaphore originelle est donc due à Cicéron. A. Novara remonte, en deçà de la célèbre citation des Tusculanes, au « De finibus » dans lequel Cicéron aurait  » imaginé la fiction de l’auto-culture d’une vigne animée qui symbolise l’être humain « . Cette  » auto-culture  » qu’elle dégage du texte cicéronien est – on ne peut plus – proche de la  » culture de soi « . Si cette interprétation était la bonne, il faudrait alors convenir que l’image fondatrice de la paideia comme culture coïncide précisément avec la conception de la culture comme culture de soi.

L’article d’Antoinette Novara, « Cultura : Cicéron et la métaphore latine », a été publié par Alain Michel dans le numéro 1 -mars 1986- du Bulletin de l’Association Guillaume Budé.

Anglais

En anglais, l’équivalent de « culture de soi » pourrait être « culture of the self »,ou, plutôt, « cultivation of the self ». Mais il faut surtout mentionner la constellation des « self-culture », « self-education », « self-knowledge » (connaissance de soi), « self-reliance » (confiance en soi), « self-improvement » (perfectionnement de soi).


C] Autour de « soi »

Culture « de soi » (Michel Foucault), travail « de soi sur soi-même » (Pierre Hadot et autres), culture « de soi-même » (Fernand Pelloutier), culture « du moi » (Albert Libertad). En anglais : culture « of self », culture « of the self ».

Le livre de Marc-Aurèle le plus souvent intitulé Pensées portait le titre : Tὰ εἰς ἑαυτόν, Ta eis heauton,soit « Les (choses) pour soi-même », d’où la traduction souvent retenue Pensées pour moi-même. Mais on trouve aussi : Pensées pour soi, et Ecrits pour lui-même.

La grammaire définit « Soi » comme un pronom personnel « réfléchi » : le pronom complément, à la troisième personne, renvoie au même être que le sujet. Le sujet se réfléchit dans le pronom.

Grévisse, Le Bon Usage.

PISTES DE LECTURE

A] Pierre Hadot et Michel Foucault

Foucault, ayant entrepris, dans les années 1980, une histoire de la sexualité, avait interrompu la publication de ses recherches après le premier tome  La Volonté de savoir . Il expliquait lui même que, si l’analyse des pratiques discursives et l’analyse des relations de pouvoir et de leurs technologies lui étaient familières,  » en revanche, l’étude des modes selon lesquels les individus sont amenés à se reconnaître comme sujets sexuels me faisait beaucoup plus de difficultés « . Comment l’être humain avait-il constitué cette expérience historique à travers laquelle il s’était finalement pensé comme homme de désir ?

Michel Foucault entreprenait alors un long détour par ce qu’il a appelé  » l’herméneutique du sujet « , la relation entre subjectivité et vérité. Cette recherche était l’occasion de ce qu’il considérait comme un nouveau point de départ théorique : le  » souci de soi  » ( » épiméléia heautou  » ou  » cura sui « ).

Foucault essaie ainsi de proposer une histoire de cette démarche du souci ou du soin de soi, de Platon aux stoïciens de la période hellénistique ; et, sur cette base, il construit une notion plus générale de  » culture de soi « . Il rejoint ainsi la démarche théorique de Pierre Hadot qu’il reconnaît comme une de ses sources.

Pierre Hadot a un point de départ différent : c’est la critique d’une certaine manière traditionnelle de lire les philosophes grecs pour en dégager des idées ou des doctrines. Contre cette lecture, Hadot souligne que la philosophie critique est d’abord la conversion à une certaine forme de vie, un travail de soi sur soi à travers un ensemble d’  » exercices spirituels  » : la philosophie elle même est un tel exercice.

Pierre Hadot et Michel Foucault partagent clairement un domaine commun de référence historique et d’interprétation : le thème de la conversion, celui de la « vie » ou des « pratiques », l’insistance sur les « exercices » ou les « techniques ».

Pour l’un comme pour l’autre, le souci de soi se constitue à travers des pratiques. Michel Foucault parle des  » arts de soi-même  » (Ecriture de soi), de la  » pratique de soi  » , des  » techniques de soi « , parmi lesquelles  » l’écriture de soi  » ; Pierre Hadot parle d’  » exercices spirituels  » préparant à un  » art de vivre « , un  » style de vie « . Le soin repose sur l’exercice ; il consiste d’abord en une pratique. Il faut mentionner ici le rôle fondamental du livre de Paul Rabbow, « Seelengführung. Methodik der Exerzitien in der Antike » (1954) qui re-découvre le rôle des exercices moraux dans l’Antiquité.

Mais il existe aussi entre les deux philosophes de nombreuses divergences, sur la compréhension et l’interprétation de tel ou tel exercice, mais aussi, plus généralement, sur l’histoire et l’hypothèse même de la culture de soi.

Pierre Hadot s’est exprimé de manière explicite et répétée sur ces désaccords, après la mort de Foucault : notamment dans «Un dialogue interrompu avec Michel Foucault. Convergences et divergences » (E.S.P.A), et « Réflexions sur la notion de « culture de soi » »(E.S.P.A).

Dans la mesure où Foucault revient sur cette notion dans de nombreux textes publiés à titre posthume, notamment par Arnold Davidson et Daniele Lorenzini chez Vrin, il s’ensuit une curieuse situation de débat entre textes, en l’absence des auteurs.

Éléments bibliographiques

Pierre Hadot, Exercices spirituels et philosophie antique (E.S.P.A),  éditions en 1987 et 1993 (Institut d’études augustiniennes), édition poche, Albin Michel, 2002. C’est par ce recueil qu’il faut commencer pour entrer dans l’oeuvre de Pierre Hadot.

Pierre Hadot, La Citadelle intérieure. Introduction aux pensées de Marc Aurèle. Fayard.1992

Pierre Hadot, Qu’est ce que la philosophie antique?, en particulier chap 9, Gallimard, Folio, 1995.

Pierre Hadot, La philosophie comme éducation des adultes, Vrin, 2019. Recueil intéressant mais éclectique, avec des textes de difficulté très inégale.

Michel Foucault, Usage des plaisirs et techniques de soi
In : Le Débat, n°27, 1983, repris dans  » Dits et Ecrits II « , Gallimard, 2001 ; préface à  » L’usage des plaisirs « , Gallimard, 1984.

Michel Foucault, La culture de soi, deuxième chapitre de  » Le souci de soi « , Gallimard, 1984.

Michel Foucault, L’herméneutique du sujet , transcription du cours au collège de France, en particulier : cours du 6 janvier, du 3 février, et du 3 mars 1982, Gallimard, Le Seuil, 2001. Il faut commencer ici.

Michel Foucault, Les techniques de soi, cours à l’université du Vermont, octobre 1982, publié dans  » Technologies of the self « , 1988, repris dans  » Dits et Ecrits II « , Gallimard, 2001

Michel Foucault, L’origine de l’herméneutique de soi. Conférences à Darthmouth College. 1980. Vrin 2013.

Michel Foucault, Qu’est-ce-que la critique? Suivi de La Culture de soi. Vrin 2015.

B] Sénèque, Epictète, Marc-Aurèle, et Philon

Lire Hadot ou Foucault à propos de la vie philosophique/culture de soi chez les philosophes antiques, et notamment les stoïciens, sans lire les textes de ces auteurs antiques eux-mêmes, cela n’a aucun sens.

Sénèque, Entretiens, Lettres à Lucilius, Edition de Paul Veyne, Bouquins, Robert Laffont, 1993.

Sur Sénèque:

Ilsetraut Hadot, Sénèque, Direction spirituelle et pratique de la philosophie, Vrin, 2014.

Je me permets de mentionner mon texte sur « Sénèque : Devenir lecteur », une étude des lettres 2,6,33,39,84,90.Ici :

Épictète (trad. commentée de Pierre Hadot), Manuel d’Épictète, Paris, Livre de poche, 2000

Marc Aurèle, Pensées pour soi (trad. par Catherine Dalimier), Flammarion, coll.«GF», 2018.

Marc Aurèle, Écrits pour lui-même, t. I: Introduction générale et Livre I, (trad. et présentation par Pierre Hadot), Belles Lettres, 1998

Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, Livre VI, trad. et présentation de Pierre Hadot, initialement paru dans Philosophie Magazine, n°39, 2010, et repris dans « Pierre Hadot, La philosophie comme éducation des adultes ».

Sur Marc Aurèle :

Pierre Hadot, La citadelle intérieure : Introduction aux Pensées de Marc Aurèle, Fayard, 1992.

Sauf erreur de ma part, ni Hadot, ni Foucault n’accordent d’importance à Philon, sauf à citer ses deux listes d’exercices spirituels, qui sont évidemment une source d’importance majeure. Les lecteurs qui voudraient s’intéresser à cette œuvre trouveront peut-être à s’appuyer sur les notes que j’ai publiées sur le sujet de la lecture comme exercice spirituel chez Philon.

C] Emerson, Thoreau et Fuller

Ralph.W.Emerson, Henry Thoreau et Margareth Fuller sont, avec quelques autres, les représentants d’un mouvement philosophique strictement américain, les « transcendantalistes ». Son influence sur la perspective de la culture de soi se développe selon plusieurs dynamiques, directes et indirectes. C’est une source centrale des réflexions sur l’éthique aux Etats-Unis, même s’il est moins connu en Europe, notamment en France. Tel est le cas du célèbre texte d’Emerson «La confiance en soi». Il nourrit d’autre part les théories de courants tels que l’anarchisme individualiste, la simplicité volontaire, le féminisme. «Walden ou la vie dans les bois» de Thoreau est une référence pour de nombreux écologistes, et partisans d’une politique de la « subsistance ». Enfin l’étude du transcendantalisme a été relancée par le philosophe Stanley Cavell à travers la notion de « perfectionnisme ».

Le point de départ pourrait être le « Self-Culture. An Address. » de William Ellery Channing (1780-1842) publié en 1839. Channing était un pasteur ; il fut le professeur d’Emerson et le mentor d’Elizabeth Palmer Peabody, autre transcendantaliste. On ne perd pas son temps en parcourant « Self-Culture » qui fait découvrir une culture de soi que Channing définit comme une culture personnelle, à la fois morale, religieuse, intellectuelle, sociale et pratique. Le livre fut traduit en français, et présenté par Edouard Laboulaye en 1854 sous le titre « De l’éducation personnelle, ou de la culture de soi-même ».

Pourtant, c’est dès 1830 qu’Elizabeth Peabody traduit et fait connaître aux Etats-Unis, sous le titre « Self-Education : On the Means and Art of Moral Progress », un livre d’un personnage étonnant, le Français J.M Gérando, paru en 1824 sous le titre « Du Perfectionnement moral ou de l’Education de soi-même ». Gérando est considéré à la fois comme un des initiateurs de l’anthropologie en France, et un des pères du droit administratif ! Son livre illustre surtout la parfaite compatibilité entre un certain perfectionnisme moral et la conservation de l’ordre établi.

Henry Thoreau n’est pas important seulement comme théoricien de la simplicité volontaire et de la désobéissance civile. Il est un exemple plutôt exceptionnel de corrélation authentique entre culture de soi et exercices ou techniques de soi.

Outre les livres d’Emerson et Thoreau que j’indiquerai plus bas, il faut souligner l’importance de la contribution de Margareth Fuller qui est à la fois une des figures du féminisme américain – la première intellectuelle féministe américaine – et une des théoriciennes et activistes principales du transcendantalisme. E Peabody la définissait comme « la Reine du transcendantalisme ».

Tout en restant proche d’Emerson, et fidèle à Channing, Margareth Fuller fait subir une torsion féministe à la culture de soi des transcendantalistes : une approche de moins en moins religieuse ; une culture spirituelle moins désincarnée, moins froide que celle d’Emerson ; et, pour finir, une orientation fondamentalement intellectuelle, puisque, en tant que femme, elle doit gagner et elle gagne le droit d’être une intellectuelle, traductrice, autrice, éditrice, critique littéraire, et, pour commencer, le droit de fréquenter une bibliothèque universitaire, celle de Harvard. Son combat pour la culture de soi est individuel et collectif, comme le montre l’organisation des « Conversations avec les femmes », entre femmes, où il ne s’agit pas seulement de diffuser la doctrine transcendantaliste, mais aussi de favoriser par l’exercice, l’expérience de l’écoute et de la libre expression. « The great Lawsuit. Man versus Men, Woman versus Women » (1843), son texte fondamental, n’aura attendu que deux siècles (2011) sa traduction en français sous le titre « Des Femmes en Amérique ».

Stanley Cavell a renouvelé l’approche du transcendantalisme. Le recueil « Qu’est-ce que la philosophie américaine?» (2009) contient plusieurs textes importants, comme «Conditions nobles et ignobles. La constitution du perfectionnisme moral émersonien» (1990), et «Une nouvelle Amérique encore inapprochable. De Wittgenstein à Emerson» (1989), traduits et édités par Sandra Laugier.

Daniele Lorenzini a fait paraître, en 2015, «Ethique et politique de soi. Foucault, Hadot, Cavell et les techniques de l’ordinaire», dans l’idée de confronter ces trois théories de la culture de soi, en insistant sur leur proximité.

Éléments bibliographiques

Gérando (de) Joseph Marie, Du perfectionnement moral, ou de l’education de soimème, Jules Renouard, 1826 sur Google Book (attention! Catalogage défectueux)

Gérando, Peabody Elizabeth Palmer, Self-education; or, The means and art of moral progress.1832:

https://catalog.hathitrust.org/Record/009723915

W.E.Channing, Oeuvres Sociales, édition et introduction de E. Laboulaye, contenant «De l’éducation personnelle, ou de la culture de soi-même» 1854:

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9753640d.texteImage

(Existe en reprint chez Hachette)

R.W Emerson : ses essais font l’objet de nombreuses traductions et éditions partielles en français. On les trouve, par exemple, en trois volumes chez Michel Houdiard Éditeur:

Volume I: Nature, Confiance et autonomie, Cercles, L’Âme suprême, 1997

Volume II:Le Transcendantaliste, L’Intellectuel américain, Le Poète, L’Art, 2000

Volume III: Histoire, Compensation, Expérience, Destin, préface de Sandra Laugier, 2005.

On trouve «La Confiance en soi» chez Rivages et chez Allia, notamment.

Henry David Thoreau: il faut lire d’abord «Walden», dans la traduction de Fabulet, ou celle, plus récente de Brice Matthieussent. Les Editions « Le Mot et le Reste » ont publié de nombreux textes de Thoreau.

Henry David Thoreau Walden ou la Vie dans les bois, (trad.Louis Fabulet), NRF, Collection Blanche,1922. Rééd. Collection « L’Imaginaire » 1990.

Henry David Thoreau Walden (trad. Brice Matthieussent), Le Mot et le Reste, 1990

Henry David Thoreau, La Désobéissance Civile, 2018, Le Mot et le Reste

Henry David Thoreau, Marcher, 2017, Le Mot et le Reste

Margareth Fuller, Des Femmes en Amérique, Editions de Normale Sup. 2011. Préface de François Specq, «Radicalité féministe et culture de soi chez Margaret Fuller ».

Sur Margareth Fuller et la culture de soi :

Mireille Gueissaz, « Traductions et réappropriations au service de « l’invention » d’une culture : Elizabeth Peabody, Margaret Fuller et le mouvement transcendantaliste aux Etats-Unis ». Cahiers de sociologie économique et culturelle n°50 2010:

https://www.persee.fr/doc/casec_0761-9871_2010_num_50_1_1136

D] Fernand Pelloutier, Albert Libertad, Jeanne Humbert, Daniel Colson

Pour les anarchistes, le changement social ne passe pas par la mobilisation ou la manipulation des masses, mais par l’auto-transformation consciente des individus dans l’action « politique ». Même la grève générale a pu être présentée comme un exercice. La culture de soi relève de l’individu ; mais elle n’est pas solitaire ; elle est collective. Elle ne se confond aucunement avec le masochisme religieux, le culte du moi, ni le développement personnel.

Le seul courant politique qui se soit accordé avec une vision puissante de la culture de soi est celui d’une certaine anarchie.

« Nous sommes en outre ce qu’ils ne sont pas : des révoltés de toutes les heures, des hommes vraiment sans dieu, sans maître et sans patrie, les ennemis irréconciliables de tout despotisme, moral ou matériel, individuel ou collectif, c’est-à-dire des lois et des dictatures (y compris celle du prolétariat) et les amants passionnés de la culture de soi-même ».

Fernand Pelloutier.

Éléments bibliographiques

Fernand Pelloutier, Lettre aux Anarchistes, datée du 12 décembre 1899. C’est une bonne chose de la re-situer dans son contexte, comme introduction au rapport « Le Congrès général du Parti socialiste français », 1900, qu’on trouve sur Gallica.

Une édition récente :

Fernand Pelloutier, Aux Anarchistes, Nada Editions, préface de Guillaume Goutte, 2023.

Albert Libertad, L’individualisme, in l’anarchie, 23 janvier 1908

En ligne ici :

ou ici

https://fr.theanarchistlibrary.org/library/albert-libertad-l-individualisme

Je me permets de mentionner mon texte sur « Techniques de soi et savoirs subalternes : le groupe des Causeries populaires ». (Il s’agit du groupe animé par Albert Libertad et Anna Mahé). Ici :

Il faut signaler une occurrence de la « culture de soi » sous la plume de Jeanne Humbert, néo-malthusienne et anarchiste, animatrice du groupe « Génération consciente » en 1908, et qui publie en 1970, à quatre-vingt-douze ans, une brochure intitulée « Les problèmes du couple. Amour. Culture de soi ». Peut-être une inspiratrice de Foucault ?

Je trouve l’article de Daniel Colson, dans son Petit lexique philosophique de l’anarchisme, sur (c’est-à-dire contre) le « travail de soi sur soi » excellent. (Livre de poche, 2001).

E] Maître Guan, Maître Sloterdijk

Le thème de la vie philosophique, ou de la culture de soi, est tellement générique qu’il est à peu près impossible de fixer les limites d’un corpus de références.

Cependant, je voudrais citer un livre qui m’a passionné. Il s’agit des « Ecrits de Maître Guan. Les Quatre traités de l’Art de l’esprit », qui font partie des textes fondateurs du taoïsme, au même titre que le Laozi et le Zhuangzi, plus connus.La présentation de Romain Graziani, qui situe ces textes dans l’optique de la culture de soi, est remarquable. Romain Graziani a publié ultérieurement L’Usage du Vide.Essai sur l’intelligence de l’action, de l’Europe à la Chine.2019.

« Écrits de Maître Guan. Les Quatre traités de l’Art de l’esprit. ». Textes présentés, traduits et annotés par Romain Graziani. Les Belles Lettres. 2011.

On ne manque pas d’ouvrages offrant une paraphrase ou une amplification de Hadot ou Foucault. Ce n’est certainement pas le cas de Peter Sloterdijk qui sous un titre provocateur « Tu dois changer ta vie » (mais il faut d’emblée relever le sous-titre « De l’anthropotechnique ») propose une phénoménologie critique (et polémique) de la vie ascétique contemporaine. Voici donc un livre d’un grand philosophe qui prend au sérieux, c’est-à-dire avec légèreté, l’exercice et sa technique:

Peter Sloterdijk, Tu dois changer ta vie, traduit par Olivier Mannoni, Maren Sell, 2011.

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