
Par Les Obscurs
Il se dégage du spectacle ahurissant des panneaux d’affichage des trente huit listes en concurrence pour les élections européennes une forte impression de loufoquerie. La décomposition du système représentatif, avérée sur le plan des idées et de la qualité des hommes, trouve ici son expression organisationnelle : la réduction à l’état de groupuscule venu chercher à la proportionnelle sa maigre part de la pitance financière européenne.
Le seul parti qui échappe à cette tendance est le R.N. Et pour cause, la décomposition est en quelque sorte le milieu naturel de l’extrême-droite ; elle en est à la fois le ferment et le produit.
Il y a dix ans, nous écrivions ceci :
« La conquête du pouvoir, pour le Front national, ni ne commence avec, ni ne dépend d’abord des élections. Elle passe d’abord par la domination idéologique. Cette domination doit être comprise de manière simple mais entière : les idées politiques du FN dominent, c’est-à-dire qu’elles dominent les autres idées ; en matière idéologique, le FN domine, c’est-à-dire qu’il domine les autres forces politiques. » (1)
Cette hégémonie idéologique du FN-RN n’a cessé de se confirmer depuis, comme l’illustre parfaitement la campagne des européennes. La campagne a été marquée, dans tous les pays européens, par le thème du refus de l’immigration, slogan increvable de l’extrême-droite. Dans certains pays, dont la Suède est le meilleur exemple, on assiste à un retournement général de l’opinion contre l’immigration. Le R.N a su renforcer son hégémonie idéologique autour de cette thématique éculée dans la période récente. Il n’est pas très difficile de comprendre à quoi tient son succès. L’opinion publique française est révoltée contre le djihadisme terroriste ; elle ne supporte plus l’islamisme et son expression permanente dans la vie publique ; elle ne comprend pas que la fraction communautariste des musulmans puisse être à ce point conciliante à l’égard de l’islamisme. Rien dans ces positions qui soit raciste ni d’extrême-droite, même si par ailleurs, le racisme « anti-musulmans » ou anti-arabes est bien réel. Mais, à coup sûr, elles traduisent une demande de protection, et l’attente, dans la majorité de la population, de réponses déterminées des pouvoirs et des partis. Pourtant faites un test : à quand remonte le dernier tract que vous ayez lu contre le djihadisme et l’islamisme ? Vous ne vous souvenez pas ? Le premier, alors ? Vous ne vous souvenez pas non plus. En réalité, la population ne voit jamais aucun parti agir contre le djihadisme et l’islamisme. Cette inaction et cette dénégation sont une véritable rente de situation pour le Rassemblement national qui peut même se permettre de prendre ses distances avec la thèse raciste du « grand remplacement » au profit de «l’immigration, risque existentiel pour les Français » de Bardella, le grand remplacement des hypocrites. (2)
La soumission à la Russie d’extrême-droite de Poutine est le point faible du Rassemblement national ; le rejet de l’immigration, pour les raisons qui viennent d’être dites, son point fort dans l’opinion. L’action des islamistes joue en faveur du Rassemblement national. L’extrême droite renforce l’extrême droite. Seule, une critique active du djihadisme et de l’islamisme, nationale et internationale, sur des bases démocratiques, féministes et anti-racistes, peut affaiblir cette adhésion de la population aux idées de l’extrême droite sur l’immigration , suffisamment, en tout cas, pour l’écarter du pouvoir.
(1) Voir « Le pont des Français tiendra ou l’opposition au Front national » https://lesobscurs.com/2019/10/31/le-pont-des-francais-tiendra-ou-lopposition-au-front-national/
(2) Sur le courant dit « islamo-gauchisme » voir : https://lesobscurs.com/2022/09/06/reactions-a-lattentat-contre-salman-rushdie-notes-sur-lislamo-gauchisme/