Une mise au point sur Mélenchon

Dans notre premier article sur les élections (1) nous avons appelé à voter pour les candidats opposés au second tour à ceux du RN, en spécifiant « à l’exception des leaders de LFI proches de Mélenchon ». Ces quelques notes rapides n’ont pas d’autre fonction que d’expliquer cette exception. Les raisons de ne pas apprécier JL Mélenchon et ses proches sont en effet nombreuses et variées. Nous nous contentons ici de résumer les nôtres.

Le bilan du marxisme, du communisme, du léninisme sous ses différentes formes est négatif. Nous ne confondons pas Marx et Staline ou Mao. Néanmoins le marxisme et le communisme réel se sont avérés être une seule et même vaste entreprise de destruction du mouvement ouvrier. Le mouvement ouvrier s’était constitué au cours du XIXème siècle, au point de devenir le mouvement de référence pour l’émancipation. Mouvement de critique sociale pratique, et de démocratie réelle, il était aussi un mouvement subjectif, riche de multiples tendances comme les socialismes utopiques, les courants de démocratie directe, les anarcho-syndicalismes, les anarchismes dits individualistes, et bien d’autres. Le marxisme-léninisme a écrasé cette subjectivité collective du mouvement ouvrier. La confusion idéologique indigne qui règne à la tête de LFI ne peut masquer la réalité historique de cette opération dont le groupe de Mélenchon est le principal héritier en France.

LFI serait d’extrême gauche, selon Macron par exemple, qui n’y connait rien. Mais le terme d’extrême-gauche a toujours été utilisé pour désigner deux types de courants très différents et parfois hostiles. Le premier correspond aux individus et collectifs qui se sont efforcés de participer réellement aux luttes pour l’émancipation et ont su en exprimer certains des aspects les plus importants. Tels ont été, autour de Mai 68, les situationnistes, Socialisme ou Barbarie, certains anarchistes, certaines organisations féministes, les premiers écologistes, des collectifs de jeunes travailleurs, de paysans. En sens inverse, le deuxième courant, en apparence tout aussi radical que le premier, se comportait en parasite et prédateur du mouvement d’émancipation comme ces groupes trotskystes, maoïstes, ou staliniens qui ne juraient que par le parti, la révolution prolétarienne, la dictature du prolétariat. On assiste aujourd’hui à une opération équivalente en provenance de LFI, au profit, en particulier, du sabotage du soutien à l’Ukraine ou, ici, de l’opposition au RN.

Un des legs les plus sinistres du léninisme, avec le culte de l’état, est l’anti-impérialisme. Selon la théorie de l’impérialisme, le capital financier arrive à « corrompre » une partie de la classe ouvrière qui coïncide magiquement avec les électeurs sociaux-démocrates. Les gauchistes plus récents se sont contentés d’élargir à l’ensemble de la classe ouvrière « métropolitaine » ou « blanche » ce diagnostic sympathique de corruption. Les immigrés, les « indigènes », les musulmans sont devenus les héros du moment. Curieusement les ouvriers français ont cessé de voter à gauche. Les « islamo-gauchistes », si mal nommés, ont fait leur apparition : trotskystes de tout poil à l’exception de Lutte Ouvrière, indigènes de la république… D’abord LFI et Mélenchon se sont contentés de nier le phénomène du djihadisme et de l’islamisme. Puis, le 7 Octobre 2023, ils ont franchi le pas et rejoint les islamistes.

Mais, avant d’en arriver là, Mélenchon avait dévoilé un tempérament exceptionnel de renégat sur la question de la laïcité et de l’islamisme. Il venait pourtant du Grand Orient, mais il est passé directement de la loge à la mosquée. Il avait été l’ami de Charb, dont il avait prononcé l’hommage funèbres en quelques paroles mâles et définitives. Puis il a oublié son ami et s’est mis en tête de le contredire, en quelque sorte à titre posthume. On se souvient qu’en 2010, Mélenchon avait critiqué la décision du NPA de présenter une femme voilée aux élections régionales. A l’époque, il considérait le port du voile comme un « traitement dégradant » et une « provocation contre la République ». Le 7 janvier 2015 (attentat Charlie), Mélenchon déclare : « C’est une erreur totale de confondre racisme et islamophobie et on a le droit et même le devoir pour certains de faire la critique impitoyable des religions ». Position renouvelée en novembre 2015.

Mais changement de ton en 2019. Après l’attaque contre la mosquée de Bayonne, Mélenchon et la LFI se rallient à une manifestation contre « l’islamophobie ». En 2023, Mélenchon déplore l’interdiction du port de l’abaya à l’école et qualifie cette mesure de nouvelle guerre de religions. Finalement, dans un meeting à Marseille, le 23/05/2024, il inverse complètement sa position initiale telle que Charb l’avait formulée et assimile la critique de l’islam à l’islamophobie et au racisme, la qualifiant de « bêtise et folie incarnées ».

On sait quelle est l’origine de ce changement de ton après 2015. C’est l’électoralisme. LFI et quelques autres groupuscules d’élus locaux décident de se maintenir dans une période difficile en se faisant passer pour le parti pro-musulmans afin de devenir celui des musulmans qui votent. Pour y arriver, pas question de barguigner, on va jusqu’au bout, en niant la réalité du projet politique du djihadisme et l’influence grandissante de l’islamisme dans la communauté musulmane. L’anti-impérialisme est réconcilié avec les élections ! Bien sûr, il faut se boucher le nez quelque peu, ignorer les manoeuvres des Frères musulmans dans les collectivités locales, s’engager à outrance dans le soutien à la Palestine, appeler au boycott d’Israël, et ne rien voir du développement de l’anti-sémitisme en France, depuis une trentaine d’années.

Le 7 octobre 2023 (raid terroriste du Hamas contre Israël et pogrom anti – sémite), les masques sont tombés. La plupart des dirigeants de LFI se sont refusés à qualifier le Hamas de groupe terroriste ; certains lui ont décerné le titre de « mouvement de résistance » et continuent de le faire. Ils ont bien sûr dénoncé les horreurs du raid, mais le plus souvent en les équilibrant par celles de l’occupation israëlienne. Pour la plupart, ils n’ont pas su les qualifier d’anti-sémites, c’est-à-dire faire leur travail d’élus en expliquant pourquoi et en quoi elles étaient anti-sémites. En 2024, la LFI s’est lancée dans une campagne de soutien aux Palestiniens. Et certes il y a toutes les raisons de ne pas confondre les Palestiniens et le Hamas, et de les soutenir sur un plan humanitaire et politique. Mais dans sa campagne pour les Palestiniens la LFI n’a jamais cherché à se démarquer des courants islamistes qui recherchent l’élimination totale d’Israël.

Pendant cette période, les actes anti-sémites ont explosé en France, passant de 436 en 2022 à 1676 en 2023. L’anti-sémitisme s’est déchainé après l’attaque du Hamas, et le début de la riposte israëlienne. Autrement dit cet anti-sémitisme est un effet de la proximité de certains musulmans avec les thèses islamistes du Hamas et de ceux qui le soutiennent en France. Le 2 Juin, sur son blog personnel, Mélenchon exonère les manifestations pro-palestiniennes de tout anti – sémitisme en ces termes : « Car contrairement à ce que dit la propagande de l’officialité, l’antisémitisme reste résiduel en France. » On se demande pourquoi il vient sur ce sujet tant il est visible que sa propre relation avec les Juifs est problématique, et en particulier, sa manie de faire des petites blagues, dont on reconnaitra qu’elle n’a que peu à voir avec l’anti-sémitisme des milieux musulmans, et tout avec celui de la petite bourgeoisie française traditionnelle.

Nous avons le sentiment qu’il n’est pas très difficile, en se renseignant sur les candidats LFI, de distinguer ceux qui sont tout-à-fait proches de Mélenchon, et ceux qui s’en distinguent, comme Ruffin ou Autain.

(1)Voir : https://lesobscurs.com/2024/06/16/la-decision-dun-desaxe/

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