
[Dessin de Glen Baxter]
Le 18 septembre 2024
Après dix ans, le temps est venu de faire un effort pour remplir correctement la rubrique « A propos » supposée présenter aux lecteurs le contenu du site ou le projet de ses auteurs.
Nous ne faisons pas semblant de répondre à l’abominablement heideggérienne question « Qui sommes-nous ? », n’ayant aucun titre à faire valoir, ni enrichi aucune théorie, ne lançant aucun appel d’aucune sorte et très peu convaincus par l’expérience que l’apparition de personnalités puisse renforcer la consistance des textes.
Certains auteurs signent normalement, d’autres utilisent un ou plusieurs pseudonymes, certains pseudonymes sont collectifs. Il est utile aux lecteurs de pouvoir repérer certaines cohérences.
Nous essayons ici de répondre, avec plus ou moins de précision, mais, nous l’espérons, de manière suffisamment logique, à cette autre question : « Que sommes-nous ? ».
Pour commencer, nous ne sommes pas un collectif, un groupe, ni rien qui puisse évoquer l’idée de « somme supérieure aux parties ».
Les Obscurs sont des individus. Les professions de foi, les pétitions, les manifestes, les rectos de tract, les éditoriaux anonymes, les mâles discours du dirigeant font vibrer les troupes politiquement correctes que stimulent les idées de lien social et d’action collective, bien qu’elles les détestent secrètement mais trouvent ainsi à se rassasier d’aigreur, de méchanceté et de conformisme. Nous tournons en dérision la mise en scène des lignes politiques et des pensées collectives. La femme, l’homme, l’individu, voilà notre principe. La position et l’évolution individuelle permettent le mouvement collectif. Nous détournons la forme du manifeste pour décrire, non pas ce qui nous semble le plus évident et le mieux à même d’unifier, mais, au contraire, le plus délicat, le plus subtil, ce qui, à peine publié, devrait être repris. Nous ne voulons pas être rejoints, mais nous allier et nous fédérer à d’autres individus autonomes. Nous ne cherchons pas à nous unir avec tous ceux avec lesquels nous sommes d’accord : il faut encore que nous y trouvions un certain agrément, une affinité.
Merveille de la logique : puisque nous ne sommes pas un groupe, nous ne sommes pas un groupe politique. N’étant pas un groupe politique, nous ne sommes pas un groupe d’avant-garde. L’avant-gardisme fait rire ; c’est une retraite complémentaire. Nous avons, pour les plus âgé-es d’entre nous, délaissé le militantisme vers 1974. (1972 : « Le Militantisme, stade suprême de l’aliénation »). Ce qui condamne le militantisme, comme le disait la brochure de 1972, c’est la vie du militant, sa manière d’être, sa personnalité. L’action politique correspond aux situations caractéristiques que chacun peut créer ou rencontrer individuellement. Nous pouvons partager nos expériences et le site en donne plusieurs exemples. Nous n’avons pas besoin de pilote ni de théoricien de cette action politique.
Ce que nous sommes apparaît surtout dans ce que nous faisons : une revue. Les Obscurs ressemblent plutôt à une revue, même si, sous d’autres angles, ils relèvent aussi du club de fitness spirituel, de la micro-université populaire, ou du cabinet de lectures.
De la même manière que nous ne sommes pas un groupe politique, ni un collectif culturel, la revue n’est pas un instrument de communication, c’est-à-dire de propagande. Elle n’est pas un organisateur collectif ; elle n’a pas de visée fédérative et encore moins hiérarchique sur d’autres domaines tels que l’activité politique, les interventions artistiques, la recherche théorique des contributeurs, individuels ou collectifs.
Pour autant la revue n’est pas un espace neutre ou vide. La forme revue nous convient. Les revues apparaissent, paraissent et disparaissent. Les Obscurs essaient de paraître et y arrivent jusqu’à un certain point. La parution nous apprend beaucoup de choses ; et nous espérons que c’est aussi le cas pour les lecteurs. Nous pratiquons la parution comme une sorte de technique de soi. C’est visible dans les écrits détournés, tels que le manifeste, les notes de lecture, les parti-pris individuels. Nous espérons éviter l’« expressivisme », et le narcissisme. Mais, comme Pierre Hadot l’a suggéré, l’analyse objective aussi peut être un exercice. Et comme nous l’avons découvert en constituant le dossier sur le dissident chinois Peng LiFa, l’information elle-même est un tel exercice.
En 2008, paraissait le blog « Le Discret », en quelque sorte le prototype des Obscurs. Il s’ouvrait sur une sorte de frontispice :
NOTRE VIE SE PASSE DANS UNE SAGE
ÉTERNITÉ, TOUTE PEUPLÉE DE CERTITUDES
ORDINAIRES. TOUS LES TÉMOIGNAGES SONT
DÉCOURAGÉS. L’ATMOSPHERE FROIDE ET
BANALE DE NOTRE EXISTENCE EST CELLE
D’UN DECOR IMMUABLE.
En juin 2013, sortait le premier numéro des Obscurs, sous la forme d’une revue imprimée. Sur 36 pages, il comprenait douze articles, dont cet « Hommage au peuple Rom ».
HOMMAGE AU PEUPLE ROM
PROFONDES RACINES J’AI VU DE PROFONDES RACINES J’AI VU LEUR ECLAT DE PROFONDES RACINES ET J’AI VU LEUR ECLAT J’AI VU L’INSTANT J’AI VU LE SOT J’AI MAUDIT L’INSTANT J’AI MAUDIT L’INSTANT MAUDIT L’ECLAT PROFONDES RACINES ET MAUDIT ECLAT J’AI VU LE SOT LE SOT RAFFERMI J’AI VU LE SOT L’INSTANT L’ECLAT J’AI VU LE SOT RAFFERMI J’AI VU LE SOT RAFFERMI ET J’AI MAUDIT L’INSTANT J’AI VU LE SOT RAFFERMI PAR DE PROFONDES RACINES ET J’AI MAUDIT L’INSTANT J’AI VU LE SOT RAFFERMI PAR DE PROFONDES RACINES ET J’AI MAUDIT LEUR ECLAT J’AI VU LE SOT RAFFERMI PAR DE PROFONDES RACINES ET DANS L’INSTANT J’AI MAUDIT LEUR ECLAT J’AI VU LE SOT RAFFERMI PAR DE PROFONDES RACINES ET DANS L’INSTANT J’AI MAUDIT LEUR ECLAT
On remarque aussi un certain entêtement dans le choix des thèmes : un article contre Millet et Breivik semble annoncer le dossier sur Renaud Camus qui paraitra dans quelques jours, idem pour un article sur la baisse de la lecture.
Les deux autres numéros de la revue imprimée, treize et onze articles, parurent en février et décembre 2014. Mise au point sur Jacques Ellul ; critique de Kaczynski ; éloge du livre de Biagini sur « L’emprise numérique » ; réflexions sur la mort de Simon Leys ; une grosse étude sur le Front National ; deux articles sur la culture de soi, dont une critique de Michel Onfray. Le numéro trois sera diffusé à partir de février 2015 avec un encart consacré à la tuerie de Charlie hebdo et de l’HyperKacher « Sur le djihadisme salafiste ». Fin de la revue imprimée.
« La culture de soi est la chimère de notre siècle »
Le blog Les Obscurs parait pour la première fois en décembre 2013. Il ne comprend rien d’autre que la version numérique du numéro 1 de la revue. Le premier article publié ainsi est l’excellente contribution de Madame Pichard « Un traité de savoir boire à l’usage des jeunes générations ». De la même manière, le numéro 2 est mis en ligne fin 2014.

De mars 2015 à octobre 2019, nous sommes non seulement obscurs mais silencieux, notre visibilité se réduisant au site qui n’est pas alimenté et peu fréquenté. Nous-mêmes fouettons d’autres chats et bien.
Fin 2019, soit cinq ans après, nous mettons en ligne la version numérique du numéro 3 : une bonne façon de vérifier si les analyses résistent.
La nouvelle série commence le premier mai 2020 avec un petit texte modeste sur l’entraide face au Covid. Suivent une attaque en règle contre Agamben sur le même sujet du Covid, une série d’articles sur Landauer, dont une traduction inédite. Les textes de et sur Landauer marquent le début des activités de lecture collective. Madame Pichard révèle les coulisses de l’administration de l’influence à l’époque de Macron-le-désaxé. Alain Giffard analyse l’extravagant « Guide des parents confinés 50 Astuces de pro » conçu par Marlène Schiappa, rien de moins qu’un tutoriel d’Etat de développement personnel en période de crise sanitaire. Rétrospectivement le ton des articles de cette période, en dépit du Covid, nous apparait plutôt léger en comparaison de ce qui précède (les attentats djihadistes) et de ce qui va suivre : en mars 2022 parait le premier article de soutien aux Ukrainiens.
En mai 2022, nous constatons que nous arrivons à publier assez régulièrement autour de trois articles par mois. Nous publions alors une lettre qui informe un certain nombre de correspondants sur les articles publiés dans le mois. Ce moyen nous rapproche de la forme « revue » ; il crée une sorte de rendez-vous mensuel. La fréquentation du site progresse fortement en 2023, puis 2024. Nous recevons de plus en plus de courrier auquel nous répondons avec beaucoup de retard.
A priori, nous pensons nous développer en 2025 dans deux directions : conforter la régularité et la diffusion de la revue en ligne et les échanges avec les correspondants et les lecteurs ; publier au moins un numéro des Obscurs sous la forme d’une revue imprimée.
Cet imposteur ressemble un peu trop aux deux jumeaux, vous-ne-trouvez pas ?
Vous pouvez joindre Les Obscurs ici:
Vous pouvez en particulier nous demander de recevoir la lettre mensuelle décrivant les nouveaux articles.
Il nous reste quelques dizaines d’exemplaires du n° 3 de la revue qui sont envoyés gratuitement, à la demande.
Cette œuvre (les textes et autres éléments du site) est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution 4.0 International.
LA HOLLANDE EST À VOUS !