Renaud Camus : le grand détournement

[Camus à gauche de Marine Le Pen et Paul-Marie Couteaux]

23/09/2024

Par Francis Linart

On trouvera ici une tentative d’analyser le cas « Renaud Camus », cet écrivain, autrefois à la mode, devenu un des piliers de l’extrême – droite française et internationale. Certes la contribution de Renaud Camus au combat idéologique que l’extrême droite mène contre la liberté ne doit pas être sous-estimée. Mais on verra aussi que la posture et l’histoire de Camus permettent d’expliciter non seulement la répartition des rôles, et l’organisation de la lutte idéologique à l’extrême – droite, mais aussi certains de leurs effets à gauche et à l’extrême-gauche. 

VINGTIEME SIECLE DE RENAUD CAMUS

Roland Barthes, dont on connait la perspicacité en matière politique, avait donné une préface à l’un de ses romans ; il y découvrait, de guerre lasse et parce qu’il faut bien finir même une préface, « une sagesse, en somme ». Renaud Camus mit en œuvre ce programme de sagesse en passant méthodiquement, suivant une ligne d’affaissement continu, de la gauche à la droite de l’extrême – droite, de Roland Barthes à Dominique Venner.

Au XX ème siècle, il était le type même de l’écrivain mondain et à la mode, apprécié par Louis Aragon, le ministère de la Culture et Libération, édité par les meilleures maisons parisiennes comme P.O.L.

Eclectique, indiscret, prisé, subventionné, pensionné, logé et louangé, il cultivait les menus scandales, bouclait son budget avec des écrits de tourisme culturel très distingués et passait pour un homme de gauche. C’est qu’il avait été au PS chez les chevènementistes – à l’époque, le CERES : ce courant a été un véritable bac à sable pour futurs extrémistes de droite, tels que Paul – Marie Couteaux ou Jacques Sapir, ou, plus tard, Florian Philippot. A l’occasion d’une commande du département de l’Hérault, en 1999, il eut – comme il le raconte lui-même– la révélation de ce qu’il allait désigner ultérieurement comme le « grand remplacement ».

« L’AFFAIRE CAMUS »

Mais il se fit connaitre plus rapidement dans le nouveau siècle par un scandale plus gros que les précédents et assez moche, connu comme « l’affaire Camus ». L’idée lui était venue de broder sur le thème anti – sémite archi éculé de la sur-représentation des Juifs dans les médias. C’est dans son Journal de l’année 1994, la « Campagne de France » – publié seulement en 2000 – qu’il s’indigne lourdement d’une telle sur-représentation des Juifs dans une émission de France Culture.

« Les collaborateurs juifs du « Panorama » de France-Culture exagèrent un peu tout de même : d’une part ils sont à peu près quatre sur cinq, à chaque émission, ou quatre sur six, ou cinq sur sept, ce qui sur un poste national et presque officiel constitue une nette surreprésentation d’un groupe ethnique ou religieux donné ; d’autre part ils font en sorte qu’une émission par semaine au moins soit consacrée à la culture juive, à des écrivains juifs, à l’Etat d’Israël et à sa politique, à la vie des juifs en France, et de par le monde, aujourd’hui ou à travers les siècles. C’est quelquefois très intéressant, quelquefois non ; mais c’est surtout un peu agaçant, à la longue, par défaut d’équilibre. »

Autre citation :

« Cinq participants, et quelle proportion de non-juifs, parmi eux ? Infime sinon inexistante. Or je trouve cela non pas tout à fait scandaleux, peut-être, mais exagéré, déplacé, incorrect. Et non je ne suis pas antisémite. Et oui je trouve que la race juive a apporté à l’humanité une des contributions spirituelles, intellectuelles et artistiques parmi les plus hautes qui soient. Et oui je trouve que les crimes antisémites nazis constituent probablement le point le plus extrême qu’ait atteint l’humanité dans l’abomination. Mais non, non et non, je ne trouve pas convenable qu’une discussion, préparée, annoncée, officielle en somme, à propos de l’intégration dans notre pays, sur une radio de service public, au cours d’une émission de caractère général, se déroule presque exclusivement entre journalistes et intellectuels juifs ou d’origine juive. »

(Nous donnons en annexe, un ensemble plus large de citations réunies par Le Monde et d’ailleurs reprises par Camus sur son site.)

Ce style suffoqué et relâché cache plus ou moins bien ce qui se voudrait une implacable démonstration anti-sémite. Camus feint d’abord d’ignorer ce que peut évoquer l’opération de dénombrement des Juifs (et pour commencer ce qu’elle inflige aux Juifs eux-mêmes). Son lecteur est supposé ne pas savoir que la dénonciation de la soi-disant sur-représentation et de la « domination » des Juifs dans un secteur donné est un thème majeur de l’anti-sémitisme, en particulier pendant la Collaboration. Longtemps les racistes anti-Juifs concentrèrent leur dénonciation sur les banques, puis ils s’intéressèrent aux partis politiques, surtout de gauche et d‘extrême-gauche. Pendant l’Occupation allemande, la délation se tourna vers le secteur culturel : presse, cinéma, radios, théâtre. La dénonciation de la présence des Juifs dans la médecine devait être la contribution personnelle de Joseph Staline. Camus s’inscrit dans la continuité de cette chasse à l’homme. Regardez comme il suggère que les Juifs intriguent, complotent, « font en sorte de… », se regroupent pour asseoir leur domination à partir d’un secteur donné, les bons Français se retrouvant « presque » exclus de ce secteur. On remarque qu’il aurait pu s’arrêter là : « cette émission est mal composée ; elle n’est pas représentative ; les Juifs y sont trop nombreux ». Mais, comme le fait remarquer Marc Weitzman, Camus veut révéler l’intention scandaleuse qui les a réunis : traiter de l’intégration dans la société française, c’est-à-dire prendre la place de ceux qui seuls peuvent parler authentiquement de la nation, alors qu’eux-mêmes en seraient incapables par principe.

« En quoi il m’arrive d’être irrité par certains juifs : en ceci que j’éprouve, de toutes mes fibres, un amour passionné pour l’expérience française telle qu’elle fut vécue pendant une quinzaine de siècles par le peuple français sur le sol de France ; et pour la culture et la civilisation qui en sont résultées. Et que par voie de conséquence il m’agace et m’attriste de voir et d’entendre cette expérience, cette culture et cette civilisation avoir pour principaux porte-parole et organes d’expression, dans de très nombreux cas, une majorité de juifs, français de première ou seconde génération bien souvent, qui ne participent pas directement de cette expérience, qui plus d’une fois en maltraitent les noms propres, et qui expriment cette culture et cette civilisation – même si c’est très savamment – d’une façon qui lui est extérieure, semblable à ces commentaires musicaux traduits et retraduits qu’on lit dans les livrets d’accompagnement des disques. Je ne dis pas que ce point de vue n’est pas légitime, ni même qu’il n’est pas intéressant – bien loin de là : il arrive qu’il le soit extrêmement, et nouveau, très original, infiniment éclairant et enrichissant. Ce que je regrette, ce n’est pas qu’il existe, pas du tout ; c’est qu’il ait tendance, en de trop fréquentes occurrences, à se substituer à la voix ancienne de la culture française, et à la couvrir. »

Le lecteur de Camus qui aura supporté la première transgression sur la sur-représentation des Juifs, devra faire face encore à la reprise du thème du Juif comme personnalité abstraite, sans racines, sans ancrage dans l’expérience culturelle nationale.

La stratégie d’écriture de Camus est de compromettre son lecteur – en général la compromission est sa stratégie – par petites touches successives d’une transgression de plus en plus marquée. Le lecteur se trouve gêné d’en être arrivé là et tend à s’inventer des excuses qui évidemment sont au bénéfice de l’auteur. Lorsque le lecteur doit expliciter sa position, sa gêne grandit et devient insurmontable – il faut rompre ou fuir, on ne peut composer – ce pourquoi la plupart des amis de Camus ont préféré se limiter à une position de défense de la « liberté d’expression », sans avoir à répondre de leur lecture. On peut cependant lire la lettre de Danielle Sallenave qui est intéressante.

Nous n’entrerons pas dans le détail de l’affaire Camus. Il y eut deux pétitions opposées. Camus perdit son éditeur pour le Journal de 1994, puis le retrouva. Beaucoup de palinodies, quelques critiques sérieuses. Ce qui frappe, en reprenant ce dossier vingt quatre ans après, c’est que, visiblement, « L’Affaire Camus » a coïncidé avec le début du processus de conquête de l’hégémonie culturelle par l’extrême-droite en France. En 2000, elle se déroule entièrement dans les milieux intellectuels et médiatiques. Quelques années plus tard, elle gagnera le grand public.

LE PARTI DE L’IN-NOCENCE

Nous ne savons pas si « l’affaire » a constitué un obstacle au lancement du parti de Camus ou si, au contraire, il l’a suscitée et alimentée pour bénéficier d’une publicité opportune. Quoi qu’il en soit, en 2002, dans le même temps où il fait paraître « Du Sens », son interprétation du scandale, il rend public la création du « Parti de l’In-nocence ».

Cette initiative relève d’un détournement politique, dont nous n’avons pas vu qu’il ait été repéré. Dans un texte de 1972, « La véritable scission dans l’Internationale Situationniste », Guy Debord avait utilisé la notion de « nuisances ». Entre 1984 et 1992, Jaime Semprun et quelques amis, soutenus au début par Debord, font paraître « l’Encyclopédie des nuisances », que les Editions de l’Echappée ont heureusement entrepris de rééditer. Les nuisances selon Semprun recouvrent différents phénomènes négatifs caractéristiques de la société du spectacle : par exemple, l’analphabétisme sous sa forme nouvelle, moderne, théorisée par l’UNESCO (article Abécédaire). La nuisance n’est pas une catégorie ; c’est plutôt une entrée pour une enquête philosophique sur ce qui a réellement été changé par la société du spectacle. Debord pose la même question au début des « Commentaires ». Selon la belle formule de Jaime Semprun, il s’agit « d’exposer l’unité de la production des nuisances comme développement autoritaire dont l’arbitraire est l’image inversée et cauchemardesque de la liberté possible de notre époque ». Les cauchemars de Camus sont bien différents de ceux de Semprun. Il trouve surtout qu’il y a trop d’Arabes.

On sait que l’innocence désigne à la fois la qualité d’un être ou d’une chose sans malfaisance, sans nuisance, et, d’autre part, l’absence de culpabilité d’une personne. Double situation rêvée pour le Parti et Camus lui-même qui cumule les procès. En face de l’in-nocence, il place donc la « nocence ». Nuir, nuisance, innocence ont la même origine : le latin « « noceo » qui signifie « nuir ». Le néologisme « nocence » devrait permettre de faire « la liaison, par le biais de la nuisance, qui n’est qu’une sous-catégorie de la nocence, entre la morale, le contrat social, l’exigence de paix civile et l’écologie ».

Il ne semble pas que Camus ait jamais fait référence à l’Encyclopédie des Nuisances ; mais il insistera plus d’une fois sur la valeur du concept de « nocence » par rapport à la banale nuisance. En réalité, il a tout-à-fait abandonné le potentiel critique attaché aux nuisances. Du côté des « nocences », les choses resteraient assez vagues si rapidement les Juifs ne s’étaient vus renforcés d’une nouvelle catégorie, structurellement associée par Camus à la « nocence » dans l’ordre de la civilité et de la civilisation: les immigrés. L’immigration n’est rien d’autre que la plus grande des « nocences ». Camus en réclame donc l’arrêt, prône la « remigration » et la répression de l’immigration illégale au nom d’une certaine conception de la nationalité qu’il présente ainsi « Est-ce-là une conception raciste de la nationalité ? Disons plutôt que ce serait une conception raciale ? ».

Les éditoriaux du Parti de l’In-nocence douchent les ardeurs des vaillants défenseurs de la liberté d’expression qui avaient pétitionné pour Camus. Ecrivain et critique littéraire, Patrick Kéchichian s’était déjà opposé à Camus dans le cadre de l’affaire ; en août 2002, il résume le projet du parti de façon lapidaire : « L’écrivain défend une conception « raciale » de la nationalité ». Il suffisait donc de citer Camus.

Empêtré par les suites de l’affaire, et cette révélation de la haine anti-immigrés de Camus, le Parti de l’In-nocence fait peu parler de lui de 2002 à 2010. C’est un simple groupuscule qui tente de se faire connaître en appelant, en 2007, Alain Finkielkraut à se porter candidat à la Présidence de la République. Personne ne le remarque. Les livres de Camus sont de nouveau publiés par POL.

LE « GRAND REMPLACEMENT »

C’est la formulation et le succès du thème du « Grand Remplacement » qui vont sortir Camus et le Parti de l’innocence de leur marginalité. Il apparait d’abord en 2010 dans « L’Abécédaire de l’innocence », un document du parti écrit par Camus puis devient leur principal thème de propagande.

L’auteur est alors parfaitement conscient du caractère exceptionnel du succès du « Grand Remplacement » dans sa posture politique. En 2014, interrogé par Maximilien Friche pour le site « Mauvaise nouvelle », il déclare : « Ma seule contribution effective au débat politique c’est d’avoir introduit le syntagme de “Grand Remplacement”, qui y connaît un certain succès. »

Selon Camus, le « Grand Remplacement », est la dénomination d’un événement fondamental, d’un changement d’époque. C’est une réalité que chacun devrait pouvoir constater mais qui serait occultée et resterait dans l’ombre faute d’avoir été nommée.

Pour lui, ce n’est pas une « théorie », pas plus qu’il n’y a de « théorie de la Guerre de Cent Ans », de « théorie de la Grande Guerre », ou de « théorie de la Révolution française ». Il n’y a pas à opposer des analyses statistiques ni à chicaner sur la démographie. Il faut dresser le constat, le faire partager, et l’interpréter.

Ce constat, Camus le résume succinctement : « Vous avez un peuple et presque d’un seul coup, en une génération, vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples ».

S’il n’y a pas d’analyse, il y a néanmoins une filiation, en particulier avec deux auteurs auxquels il dédie son livre : le Britannique Enoch Powell, et son célèbre discours des « fleuves de sang » en 1968, et Jean Raspail (mort en 2020) avec son « Camp des Saints » (1973), lequel est considéré comme un prophète par Marine Le Pen. Camus cite aussi régulièrement Huntington (« Le Choc des Civilisations » 1996).

En réalité, l’humilité théorique de Camus, plutôt inattendue, ne cache pas qu’il procède à un montage idéologique sans vergogne.

L’idée même de « grand remplacement » n’est rien d’autre qu’une version pour le XXI ème siècle des « périls », « invasions », « immigration sauvage », qui remontent, en France, au moins jusqu’à Barrès. D’ailleurs, comme Valérie Igounet le fait remarquer, la formule est déjà chez Barrès. Mais son originalité est de créer un réflexe conditionné à partir d’une expérience quotidienne locale en associant le phénomène général de l’immigration, la prétendue guerre des civilisations, et la présomption d’un pouvoir, ou, du moins, d’un processus « remplaciste ». Dans la bouche de Jean Marie Le Pen, le qualificatif « sauvage », dans la formule « immigration sauvage », devait simuler la référence à l’irrégularité de l’immigration, tout en convoquant réellement des images de barbarie et de brutalité supposées effrayer les Français. « Remplacement » vise le même but et y parvient mieux. L’écrivain Renaud Camus est meilleur propagandiste.

La parution des textes consacrés au grand remplacement est l’occasion de préciser le rôle de la fameuse « nocence » : il la définit purement et simplement comme « l’instrument du grand remplacement ». La « nocence » n’est pas seulement une nuisance qui accompagne l’immigration, comme « le bruit et l’odeur » de Jacques Chirac. Elle est une provocation, une intimidation qui débouche sur l’éviction des vrais Français. Le débat, pour autant qu’il y ait un débat, va alors tourner sur le statut du grand remplacement : s’agit-il in fine d’un mouvement objectif, démographique et culturel, s’appuyant sur les nuisances attribuées à l’immigration ? ou bien, ce mouvement est-il piloté par des gouvernements ou des forces économiques, au risque de voir l’analyse taxée de complotiste ? On sait que Marine Le Pen se déclare peu convaincue par les développements sur les « pouvoirs remplacistes » et, craignant d’être taxée de complotiste, ne reprend pas la formule.

Un autre point mérite d’être soulevé : c’est celui de la position de Camus et de son groupuscule à l’égard du djihadisme et de l’islamisme. A cet égard, le refus de participer à la grande manifestation du 11 janvier 2015, après les attentats contre Charlie et l’Hyper Cacher de Vincennes est significatif : le parti de l’In-nocence, comme le reste de l’extrême – droite, ne combat pas la pénétration du djihadisme et de l’islamisme dans les milieux musulmans en France et leur influence dangereuse sur la fraction communautariste ; ils préfèrent s’opposer en général à l’immigration, soutenant que sa diminution suffirait à faire refluer le terrorisme. Nous avons montré dans un précédent article que telle était aussi l’orientation des projets de loi actuels du RN qui eut, d’ailleurs, en 2015, la même position que Camus par rapport au mouvement #JeSuisCharlie.

Le « Grand Remplacement » tend à devenir le thème unique de Camus et de son groupuscule. Dès 2010, il participe aux « Assises internationales contre l’islamisation de l’Europe ». En 2013, il crée le mouvement « NON au changement de peuple et de civilisation » qualifié de « confédération ». En 2014, la liste aux élections européennes dans le Sud-Ouest est définie comme « anti-remplaciste » ; mais la popularité du slogan ne lui permet pas d’atteindre 0,05% des voix. La même année, Camus participe aux « Assises de la re-migration » du Bloc Identitaire.

Entre 2019 et 2022, plusieurs terroristes d’extrême droite associent leurs attentats à la thèse du grand remplacement, à Christchurch, El Paso, Poway et Buffalo. Brenton Tarrant, le terroriste de Christchurch (mars 2019) se réclame dans son manifeste du « Great Replacement », sans citer Camus. Répondant à un interview, Renaud Camus se dédouane ainsi « …Sa brochure s’appelle “The Great Replacement”, comme votre livre, et ça vous ne pouvez pas le nier. Je ne le nie pas du tout, mais je dis que l’individu en question a séjourné en Europe, qu’en Europe le grand remplacement, la chose, est patent, crève les yeux, et que l’expression qu’il a recueillie est devenue populaire, très répandue, parce qu’elle correspond exactement à la réalité sensible. » On remarque que personne n’a suggéré que Camus aurait appelé à ce type d’actions terroristes. Mais que Brenton Tarrant ait pu découvrir l’expression « devenue populaire, très répandue », en quelque sorte dans la rue, ou en faisant ses courses, lors de son voyage en France, est une piètre construction dans le seul but de camoufler la responsabilité de Camus dans l’internationalisation de l’idéologie d’extrême droite.

AFFAISSEMENT IRRÉPRESSIBLE A L’EXTRÊME DROITE

Le succès du « grand remplacement » entraine une reconnaissance croissante de Renaud Camus par l’extrême droite, une activité politique vibrionnante, et finalement un nouveau positionnement ultra réactionnaire.

En 2012, après avoir essayé de candidater à l’élection présidentielle, il appelle à voter pour Marine Le Pen. Après POL, l’éditeur Fayard coupe les ponts avec lui.

Son activité politique reste groupusculaire et mondaine. Voici par exemple la composition d’une réunion de travail politique en 2013, telle qu’elle est donnée par Camus lui-même :

« Rue Berger étaient présents Philippe de Saint-Robert, amené par Coûteaux, Coûteaux lui-même et son confrère Karim Ouchikh, Finkielkraut, donc, Élisabeth Lévy, Richard Millet, Charles Consigny, Christine Tasin, Pierre Cassen, Pierre Sauty, le responsable du site Fdesouche, et toute une belle jeunesse invitée par Jean-Michel Leroy… »

En 2015, il adhère au SIEL, « Souveraineté, indépendance et libertés », de Paul Marie Couteaux et Karim Ouchikh, membre du « Rassemblement Bleu Marine ». Il a la furie des partis et crée encore avec Karim Ouchikh le « Conseil national de la résistance européenne » auquel participe Le Gallou, ancien de la nouvelle droite et animateur de Iliade. En 2019, il monte avec Ouchikh une liste aux Européennes, la « Ligne Claire ». Mais la numéro 2 de la liste, Fiorina Lignier, gilet jaune qui a perdu un œil dans une manifestation, s’est fait photographier dessinant une croix gammée. Camus se retire de la liste. Aux élections présidentielles de 2022, il soutient Zemmour.

Cette agitation groupusculaire s’accompagne d’une descente continue vers la droite de l’extrême droite.

En 2013, il prononce l’éloge funèbre du fasciste Dominique Venner lors d’une réunion publique. Le 16 Janvier 2015, ayant refusé de manifester sous le signe de #JeSuisCharlie, il appelle aux rassemblements de Riposte Laïque et Vigilance halal dans le sillage du groupe allemand d’extrême droite Pégida. En 2017, il se félicite du succès de l’AfD en Allemagne. En Juin 2021, il se proclame solidaire de Thaïs d’Escufon, égérie de Génération identitaire.

LE PETIT REMPLACEMENT

Autant le « Grand Remplacement » est traité avec une sobriété qui confine au vide théorique, autant le « Petit Remplacement », qui vient après, semble avoir été, pour Camus, l’occasion d’une poussée de fièvre logorrhéique. Il ne peut contenir sa crise de verbosité et un goût prononcé pour la Novlang post-moderne : « nocence », « faussel », « industrie de l’hébétude », « inhéritiers », « désoriginement », « déculturation ». En 2018, l’auteur rassemble six essais, déjà parus, dans un livre « Le Petit Remplacement ». Il présente ainsi ce nouveau phénomène :

« Pour le dire un peu brutalement, et pour la rime, le Petit Remplacement c’est le changement de classe, le Grand Remplacement c’est le changement de race. Plus précisément, le Petit Remplacement c’est le changement de classe de référence culturelle (passage de la bourgeoisie à la petite bourgeoisie), le Grand Remplacement c’est la substitution ethnique (passage des indigènes aux allogènes). Le Petit Remplacement c’est le changement de culture. Le Grand  Remplacement c’est le changement de civilisation. Le Petit Remplacement c’est le changement d’histoire. Le Grand Remplacement c’est le changement de peuple. Le Petit Remplacement c’est le changement de sens. Le Grand Remplacement c’est le changement de sang. Le Grand Remplacement n’est rendu possible que par le Petit. Toutefois il l’accélère à son tour. L’interaction est réciproque. L’un et l’autre peuvent d’ailleurs se combiner à merveille — dans la musique, en particulier ou la danse (la Fête de la Musique à l’Élysée, par exemple, en 2018, c’était à la perfection les deux remplacements en un seul). »

Les deux remplacements correspondraient à des ordres de réalité très différents et on comprend mal leur relation. Pour Camus, le petit remplacement est une condition du grand. Mais quelle condition ?

La Revue « Eléments » précise les choses : « [Le Grand Remplacement] n’aurait jamais été possible sans le petit remplacement, estime Renaud Camus qui l’illustre par « le changement et la disparition de la culture, l’effondrement de l’école ». Des facteurs qui placent le peuple « dans un état d’abrutissement et d’hébétude », qui « accepte passivement ce qui, pour des générations, était l’horreur absolue, ce qu’il fallait refuser à tout prix », rappelle l’écrivain… Tout est fait pour que cette population ne s’en rende pas compte, c’est le négationnisme de masse, la négation du Grand Remplacement, un déni très massif ».

Ce sont de grandes choses que l’hébétude et l’interaction réciproque lorsque maniées par un sage qui connait les bonnes adresses et sait dans quel tiroir se servir : la petite bourgeoisie classe de référence, dans « In girum imus nocte », l’esthétique des bourgeoisies chez Bourdieu, la falsification dans la « Société du Spectacle », la critique culturelle dans les écrits de l’Ecole de Francfort, la disparition de la logique et de la mémoire dans les « Commentaires », l’état de la langue chez Semprun, et tutti quanti, mais toutes ces analyses comme stérilisées, mises sous vide, critiques désarmées, critiques sans critique livrées en seconde main aux lecteurs d’extrême droite qui n’en connaissent ni l’origine ni la date de péremption par Renaud Camus, châtelain cambrioleur de son état.

DE LA CONFUSION

Si les aventures organisationnelles de Camus relèvent peu ou prou du fiasco, son rôle idéologique est significatif dans la configuration actuelle de l’extrême droite et de sa lutte idéologique.

Le plus visible est évidemment le succès de la formule du « grand remplacement », d’abord à l’extrême-droite, autour et à l’intérieur du Rassemblement national, ensuite auprès du grand public. On sait que Marine Le Pen a qualifié cette approche de « complotiste ». Mais Jordan Bardella – en général les identitaires se sentent proches de Camus – a trouvé une expression équivalente et acceptable avec la « menace existentielle » que l’immigration ferait peser sur la nation. Zemmour et Valérie Pécresse reprennent la formule, le premier explicitement et fréquemment. Et elle connaît, traduite en « great replacement » un succès international dont on a vu les sinistres effets.

Dans le grand public, le succès du « grand remplacement » vient de ce qu’il peut trouver à se greffer sur l’expérience d’un processus d’éviction locale des populations habituelles par des populations dites « d’origine immigrée ». Cette expérience, locale et limitée mais réelle, se développe sous la forme d’un sentiment d’être devenu « minoritaire dans son propre pays ». L’islamisme et l’anti-sémitisme, eux-mêmes facteurs d’éviction, encouragent l’idée que ce processus serait voulu. L’idée du grand remplacement est un bluff et un montage idéologique mais elle peut apparaître à cette partie de la population française, qui se sent abandonnée, en particulier par la gauche, comme un constat et une explication valables de sa propre expérience. Le « grand remplacement » ne se réduit pas à une variante du racisme et de la xénophobie ; il s’alimente de l’expérience malheureuse du remplacement local ou « petit remplacement » selon la formule d’Hervé Le Bras lors d’un débat avec Renaud Camus.

On comprend qu’une telle notion ait été si bien accueillie par l’extrême droite. Elle renouvelle largement sa politique en installant les Français dans le rôle des dominés/remplacés et les immigrés dans le rôle des dominants/remplaceurs, présentation qui prend complètement à revers les arguments anti-racistes ou anti-impérialistes.

Mais l’apport de Camus à l’extrême-droite ne se limite pas au grand remplacement. Il comprend aussi cette dérivation à partir des idées caractéristiques d’une certaine extrême-gauche que nous avons voulu évoquer dans le titre de l’article : le grand détournement. Comme nous l’avons déjà signalé, l’in-nocence et le petit remplacement (celui de Camus, pas de Le Bras…), ne sont rien d’autre que de tels détournements. Dans un cas, il ne s’agit que d’une pipette pour siphonner le nom et les textes d’un des groupes révolutionnaires les plus intéressants mais peu connu du public. Dans l’autre c’est un courant beaucoup plus large autour de l’Ecole de Francfort et des situationnistes, qui se retrouve transformé en réservoir d’idées pour l’extrême-droite. Camus n’est pourtant pas regardant sur l’origine. Si Debord ne suffit pas, il ira, comme un brocanteur à l’aube, à l’arrière du camion détrousser Agamben, Bauman, Onfray, voire Sloterdijk. Chez les idéologues de la nouvelle droite et de l’extrême-droite, la récupération des théories d’extrême-gauche n’a rien de nouveau. Elle s’est traduite, par exemple, chez Alain de Benoît, par une danse du ventre effrénée devant Michéa. Mais la prestation de Camus est beaucoup plus économique : venant de la gauche, il peut griller les étapes en assurant lui-même le repérage, le plagiat, le re-traitement, la reprise parodique et la diffusion. C’est Byzance pour des cerveaux habitués à se contenter depuis longtemps de supputations sur les Indo-Aryens qui retrouvent leur berceau et Thor son marteau, le Walhalla qui attend la Division Charlemagne à moins que ce soit le Gud, les copains de Julius Evola qui chevauchent le tigre rue d’Assas, et la sempiternelle décadence de l’Occident.

LE DÉTOURNEMENT VU DU COTÉ DES DÉTOURNÉS

Regardons pour finir du côté des détournés. C’est un cas d’école, un chapitre à part entière de la confusion actuelle.

Car, si Renaud Camus dit à-peu-près n’importe quoi, il ne le dit pas à partir de n’importe où. Ce n’est pas à droite qu’il se sert, mais à gauche. Ce n’est pas l’extrême-droite qu’il détourne, c’est l’extrême-gauche ou l’ultra-gauche.

Dans le numéro 2 des Obscurs nous nous étions quelque peu penchés sur le cas de l’horrible Kaczinski ; et peu avant, sur celui de Richard Millet. C’était il y a dix ans. La confusion promettait ; elle a tenu ses promesses.

Il y a les confusionnistes et les confus, les premiers à droite, les autres, à gauche. Les confus sont, à gauche, un grand parti, peut-être le plus grand. Ils sont aussi, et du même mouvement, la principale réserve indirecte de l’extrême-droite.

Ce que montre bien l’étude du cas Renaud Camus, c’est le lien étroit entre la dédiabolisation du RN et la confusion idéologique.

Traditionnellement, les partis d’extrême-droite, et, a fortiori, les mouvements totalitaires étaient des forces idéologiques. L’Action Française, le parti d’extrême-droite le plus important dans l’histoire de la France, était éminemment un tel parti idéologique.

La décision de Marine Le Pen de dédiaboliser le FN s’est concentrée d’abord sur un nombre limité de thèmes et de références qu’à juste titre l’opinion publique qualifiait d’extrême-droite ou de fascistes. Elle aurait pu s’arrêter là, se contentant d’un ravalement de façade. Mais elle a été beaucoup plus loin, combinant dédiabolisation et dé-idéologisation. Il lui aura suffi d’extérioriser la fonction idéologique : Alain de Benoît et Le Gallou, Renaud Camus et Paul-Marie Couteaux, Alain Soral et FdeSouche. Cette tactique présente beaucoup d’avantages pour l’extrême-droite. Le premier est le plus évident : il protège Marine Le Pen des effets de la critique d’idées en la banalisant. Il confirme la thèse que le Rassemblement national n’est pas d’extrême – droite, puisque justement l’extrême-droite est idéologique… Mais il permet aussi un certain pluralisme qui n’est pas dans le style classique des extrémistes de droite : libre expression et cohabitation des païens et des intégristes, des identitaristes et des nationalistes. Les traditionnalistes se contentent de leurs références habituelles mais un autre courant, qui est plutôt une tendance culturelle, pratique assidûment ce détournement que nous voyons à l’œuvre chez Camus. C’est ainsi que l’extrême – droite redevient moderne, comme elle l’était entre les deux guerres. Cette situation est cruelle pour les gauchistes qui voient leurs belles plates-bandes piétinées par les fachos. L’esprit confus de 2024 se demande s’il est d’accord avec l’authentique Michéa ou avec l’hôte d’Alain de Benoît, avec l’Agamben de Coupat ou celui de Camus. L’effet le plus immédiat de cet épisode cévenol idéologique : la suffocation, le mutisme, le silence. La gauche et l’extrême-gauche s’abstiennent de combattre idéologiquement l’extrême – droite. Selon un paradoxe dont l’histoire politique offre plus d’un exemple, c’est au moment même où il faudrait sortir du rang et prendre la parole que les courants les plus bruyants deviennent silencieux.

SOURCES

Fragments du «Journal de 1994» de Renaud Camus collectés par Le Monde
  

Si elles ne constituent pas l’essentiel du Journal, qui s’inscrit dans le projet autobiographique de Renaud Camus (lire page 32 l’article d’Hugo Marsan), les réflexions racistes émaillent de nombreux passages de l’ouvrage La Campagne de France, Journal de 1994 publié par Fayard, dans une vingtaine de pages. Le plus souvent cité est :

« Les collaborateurs juifs du « Panorama » de France-Culture exagèrent un peu tout de même : d’une part ils sont à peu près quatre sur cinq, à chaque émission, ou quatre sur six, ou cinq sur sept, ce qui sur un poste national et presque officiel constitue une nette surreprésentation d’un groupe ethnique ou religieux donné ; d’autre part ils font en sorte qu’une émission par semaine au moins soit consacrée à la culture juive, à des écrivains juifs, à l’Etat d’Israël et à sa politique, à la vie des juifs en France, et de par le monde, aujourd’hui ou à travers les siècles. C’est quelquefois très intéressant, quelquefois non ; mais c’est surtout un peu agaçant, à la longue, par défaut d’équilibre. »

«La pensée juive, ajoute Renaud Camus, est certes tout à fait passionnante, en général ; mais elle n’est pas au coeur de la culture française», avant de se demander aussitôt : « Ou bien si ? Un doute me prend. » Il explique ensuite l’importance de l’Ancien Testament, de Spinoza, Bergson ou Proust. Il regrette ensuite qu’il soit « à peu près impossible de le relever. Le relevant on s’exposerait en effet à une arme absolue de langage, dont nul ne peut réchapper – antisémitisme ». « L’idéologie antiraciste, c’est triste à dire, est responsable d’infiniment plus de censure que le racisme, qui lui n’a guère les moyens d’en imposer, de toute façon», remarque-t-il peu après.

Le livre comporte aussi de nombreux passages sur les musulmans : «J’ai le plus grand mal à imaginer que des musulmans de souche – j’exclus le cas d’un Français de souche qui se serait personnellement converti à l’islam : lui aurait tout de même le bénéfice de l’héritage – puissent être tout à fait français (en ce sens archaïque, mais peut-être pas tout à fait caduc) ; aussi français en tout cas qu’un paysan de Gascogne dont la famille vit dans le même village depuis sept ou huit siècles, qu’un notaire de Semur-en-Auxois, que le descendant des morts de l’Empire, de 70, de 14. Quelques dizaines de milliers de musulmans aussi ont donné leur sang pour la France. D’ailleurs, il me souvient que dans mon enfance, avant la fin de la guerre d’Algérie, j’étais enfantinement favorable au parti de l’intégration, tel qu’on entendait ce mot à l’époque ; et que je rêvais d’un grand Etat, qui se fût étendu « de Dunkerque à Tamanrasset », comme disait de Gaulle : Arabes, Berbères et Français de France, et Français d’Afrique du Nord, auraient peut-être pu appartenir alors à une même nation, dans ce cadre impossible. Mais sur le seul territoire de la France de toujours, les musulmans se sentiront toujours un peu étrangers, je le crains, et ils seront toujours perçus comme tels. Non, je ne le crains pas, je le souhaite. »

« QUI ÉTAIT L’HÔTE ».

Vient ensuite le passage mentionné dans la pétition contre la reparution du livre et dont les partisans de Camus contestent « le montage ». Le voici dans son intégralité :

« Les lois que personnellement j’aurais voulu voir appliquer, aux groupes et surtout aux individus d’autres cultures et d’autres races qui se présentaient chez nous, ce sont les lois de l’hospitalité. Il est trop tard désormais. Elles impliquaient que l’on sût de part et d’autre qui était l’hôte, et qui l’hôte. A chacun ses devoirs, ses responsabilités, ses privilèges. Mais les hôtes furent trop nombreux dans la maison. Peut-être aussi restèrent-ils trop longtemps. Ils cessèrent de se considérer comme des hôtes, et, encouragés sans doute par la curieuse amphibologie qui affecte le mot dans notre langue, ils commencèrent à se considérer eux-mêmes comme des hôtes, c’est-à-dire comme étant chez eux. L’idéologie dominante antiraciste leur a donné raison. Il n’est plus temps de réagir, sauf à céder à des violences qui ne sont pas dans notre nature, et en tout cas pas dans la mienne. Je n’oublie pas notre ancien rôle d’amphitryons, toutefois, même si nous ne l’avons pas toujours très bien tenu ; et si nous ne sommes plus désormais que des commensaux ordinaires parmi nos anciens invités. »

«JE NE SUIS PAS ANTISÉMITE».

Après une scène de drague en Tunisie, l’auteur constate : «Malheureusement c’est l’occasion de me souvenir que les Arabes et moi, décidément...» Plus loin il reconnaît que «quinze jours en Tunisie semblent avoir transformé la nature de mes rapports avec le monde musulman».

Quelques centaines de pages plus loin :

« En quoi je ne suis pas antisémite : 1/ en ceci que les persécutions nazies me semblent constituer le crime collectif le plus abominable de l’histoire de l’humanité ; 2/ en ceci que me répugne absolument tout ce qui pourrait ressembler à une humiliation – ne parlons même pas de mauvais traitements – infligée à quiconque du fait de caractères ou d’actions qui ne relèvent pas du libre arbitre ; 3/ en ceci que je n’ai aucune tendance à juger les êtres sur leur appartenance ethnique ou religieuse, et qu’un juif peut m’inspirer la plus grande sympathie ou la plus vive admiration ; 4/ en ceci que je tiens l’expérience spirituelle et métaphysique du peuple juif comme l’une des plus hautes et des plus enrichissantes de la conscience universelle.

En quoi il m’arrive d’être irrité par certains juifs : en ceci que j’éprouve, de toutes mes fibres, un amour passionné pour l’expérience française telle qu’elle fut vécue pendant une quinzaine de siècles par le peuple français sur le sol de France ; et pour la culture et la civilisation qui en sont résultées. Et que par voie de conséquence il m’agace et m’attriste de voir et d’entendre cette expérience, cette culture et cette civilisation avoir pour principaux porte-parole et organes d’expression, dans de très nombreux cas, une majorité de juifs, français de première ou seconde génération bien souvent, qui ne participent pas directement de cette expérience, qui plus d’une fois en maltraitent les noms propres, et qui expriment cette culture et cette civilisation – même si c’est très savamment – d’une façon qui lui est extérieure, semblable à ces commentaires musicaux traduits et retraduits qu’on lit dans les livrets d’accompagnement des disques. Je ne dis pas que ce point de vue n’est pas légitime, ni même qu’il n’est pas intéressant – bien loin de là : il arrive qu’il le soit extrêmement, et nouveau, très original, infiniment éclairant et enrichissant. Ce que je regrette, ce n’est pas qu’il existe, pas du tout ; c’est qu’il ait tendance, en de trop fréquentes occurrences, à se substituer à la voix ancienne de la culture française, et à la couvrir. »

De nouveau sur le «Panorama» :

« Cinq participants, et quelle proportion de non-juifs, parmi eux ? Infime sinon inexistante. Or je trouve cela non pas tout à fait scandaleux, peut-être, mais exagéré, déplacé, incorrect. Et non je ne suis pas antisémite. Et oui je trouve que la race juive a apporté à l’humanité une des contributions spirituelles, intellectuelles et artistiques parmi les plus hautes qui soient. Et oui je trouve que les crimes antisémites nazis constituent probablement le point le plus extrême qu’ait atteint l’humanité dans l’abomination. Mais non, non et non, je ne trouve pas convenable qu’une discussion, préparée, annoncée, officielle en somme, à propos de l’intégration dans notre pays, sur une radio de service public, au cours d’une émission de caractère général, se déroule presque exclusivement entre journalistes et intellectuels juifs ou d’origine juive. »

“Affaire Camus” : documents relatifs à la controverse autour de La Campagne de France (2000)

Ces documents, rassemblés et présentés par Renaud Camus sur son site, forment un dossier très complet, avec l’ensemble de nos sources

https://www.renaud-camus.net/affaire/

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