Agir face à la nouvelle situation internationale

Par Les Obscurs

Cet article est le dernier d’une série consacrée à la nouvelle situation internationale, marquée par les initiatives de Trump. Dans les articles précédents, nous avons examiné la question de la stratégie de Trump, et celle de l’idéologie trumpiste. Nous essayons ici d’aborder les voies d’une possible action politique dans la situation internationale en transformation.

Cette nouvelle situation se caractérise par un risque majeur pour les partisans de la liberté : celui d’un condominium à trois des impérialismes mondiaux, Chine, USA et Russie. Dans un tel scénario, chaque impérialisme pourrait, pendant une certaine période, resserrer sa domination sur une zone concédée par les deux autres. Ce risque est bien réel ; Russie et USA sont déjà passés à l’étape suivante en Ukraine. Une telle entente à trois est évidemment instable et provisoire. Elle devrait être mise à mal par l’antagonisme structurel Chine-USA. Mais même provisoire, une telle entente pourrait avoir des effets catastrophiques comme l’a montré le pacte Germano-Soviétique, d’août 1939 au printemps 1941. En toute hypothèse, c’est une erreur d’analyse de comprendre les conflits actuels au cœur de l’Europe comme le résultat immédiat d’une exacerbation des contradictions entre impérialismes quand la situation est l’inverse.

Les peuples et les hommes des pays visés par ce « Permis d’envahir, de dominer et d’exploiter » des trois impérialismes – et en particulier les peuples et les hommes des pays européens – n’ont pas d’autre option que de chercher à peser là où le nouveau dispositif impérialiste est le plus faible. Or le point fort de ce dispositif est la Chine et son leadership sur la Russie ; le point faible est la position des USA, en général, et en particulier à cause des caractéristiques de la présidence Trump.

Ces points faibles des Etats-Unis doivent être rappelés :

  1. Trump cumule les mécontentements, les oppositions et les adversaires dans le monde entier. On n’en peut guère excepter, à part la Russie, qu’Israël et quelques gouvernements « illibéraux ».
  2. Il y a une contradiction entre les différents axes de politique mondiale de Trump, entre la stratégie de concentration sur le pivot asiatique et la guerre économique avec l’Europe. Il y a aussi une contradiction entre les approches stratégiques et économiques, d’une part, et l’approche idéologique, d’autre part.
  3. La guerre économique par les taxes est une tactique improbable.
  4. L’extrémisation dans un style oligarchique néo-fasciste présente autant d’inconvénients que d’avantages pour Trump.
  5. La politique impérialiste de Trump, supposée exprimer son art supérieur de la négociation, est particulièrement vulnérable aux résistances des populations, et des pouvoirs intermédiaires (cas de l’Ontario et du fret maritime suédois). La même chose vaudra pour la résistance spontanée de la base populaire aux Etats-Unis lorsqu’elle se développera.

La résistance aux impérialismes des forces populaires de liberté doit donc se concentrer aujourd’hui sur Trump, sans oublier de dénoncer Poutine et Xi. En affaiblissant la présidence Trump, elle affaiblira la dictature de Poutine.

Dans l’immédiat, cette résistance dans les différents pays menacés par le « Permis d’envahir, de dominer et d’exploiter » des impérialismes prend la forme d’une triple opposition : opposition à Poutine et soutien à l’Ukraine, dénonciation du chantage américain ; opposition aux mesures de guerre économique des USA ; opposition aux cinquièmes colonnes, souvent favorables à la fois aux USA et à la Russie.

Sur le premier point, Les Obscurs ont apporté leur soutien au peuple et au gouvernement ukrainien depuis 2022, sans chercher à se défausser sur de pseudo-arguments de principe (pacifisme), ou de réalisme (la Russie nation européenne). En général, cette activité de soutien populaire direct au peuple ukrainien est insuffisante et mal organisée. Les comités locaux pro-Ukraine existants doivent être renforcés ; d’autres doivent être créés. Le soutien financier direct est insuffisant. Les partis politiques traditionnels agissent peu. Les choses peuvent donc être considérablement améliorées.

Le point le plus nouveau de cette opposition aux impérialismes est évidemment la riposte aux mesures économiques de Trump. A la différence de certains responsables français-européens comme Thierry Breton ou Raphaël Glucksman, nous ne pensons pas qu’il soit approprié d’utiliser exclusivement le moyen des règlements européens pour s’opposer aux ploutocrates trumpiens du numérique. Il y a là une question de principe : attachés à la démocratie directe nous ne voyons aucune raison de nous en remettre à la technocratie européenne. Sa responsabilité dans la catastrophe culturelle du numérique en Europe est d’ailleurs écrasante. Mais il y a aussi une question d’efficacité. Oui, l’arme du boycott est chaotique, incontrôlable, incertaine. Ce sont là autant d’avantages. Un boycott centré sur le numérique, consistant parce qu’éclairé par toutes les critiques de la raison technologique et l’expérience, adapté aux situations les plus variées, serait à même d’affaiblir, tactiquement mais aussi durablement, les positions de l’oligarchie technologique.

Dans le domaine idéologique, on doit, sans relâche, s’opposer à l’extrême-droite, RN et Zemmouriens, et aux autres partisans de Trump et de Poutine. Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur ce point, rappelant, notamment, que le combat contre l’extrême-droite supposait celui contre l’islamisme. Il faut, cependant, souligner une nouveauté : la guerre économique de Trump démontre au grand public, y compris aux possibles électeurs du RN, l’inanité de la politique dite de « priorité nationale ». On remarque aussi que les références idéologiques et les comportements provocateurs des proches de Trump ont brusquement réactivé la catégorie d’« extrême-droite » que les dirigeants du RN s’efforçaient de cacher sous le tapis de la dédiabolisation. On ne sait pas très bien définir Trump politiquement. Mais il n’est certainement pas le conservateur nationaliste décrit par Marine Le Pen. Et en tout cas, il est d’extrême-droite: raté pour la dédiabolisation… Pour finir sur ce point, il faut préciser que la dénonciation de la cinquième colonne pro-Trump et pro-Poutine ne se limite pas, évidemment, aux extrême-droites, cependant les plus concernées.

Nous avons essayé ici de décrire les grandes lignes d’une action politique des hommes et des peuples, dans une philosophie de démocratie directe, indépendante des états, et susceptible d’être conduite sans attendre.

Il est certainement difficile de prévoir qui seront les principaux perdants de la nouvelle situation mondiale. A nouveau, nous exprimons notre solidarité avec le peuple ukrainien. Mais le nom du perdant stratégique n’est pas dans une enveloppe fermée : c’est l’impérialisme américain.

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