La politique des otages

Par Les Obscurs

Pour autant qu’on accepte de l’envisager – provisoirement – comme une « méthode », la politique des otages est condamnée à juste titre par la morale et les partisans d’une telle politique méprisés non sans raisons. De tels personnages prétendent échapper à toute référence à la justice, que ce soit lors de la prise d’otages, dans le traitement des prisonniers, et même dans le crime final. Le seul lien entre les otages et le prétexte retenu est une relation d’identité, parfois totalement factice.

Le but pour le pouvoir qui recourt à la technique des otages n’est pas de faire étalage de sa force : nulle puissance politique n’est ici démontrée ; au contraire, c’est l’incapacité à utiliser les moyens classiques de l’exercice du pouvoir qui est exposée sans vergogne. Ce que cherchent de tels pouvoirs, c’est évidemment un effet de terreur, le sentiment qu’ils ne sont retenus par aucun souci de justice, aucune limite à la cruauté. Ce caractère capricieux et mesquin confère à la pratique des otages une dimension despotique archaïque, significative d’un pouvoir primitif sans véritable puissance. Aussi bien souvent la pratique des otages ne s’avoue pas comme telle. Plus rare est l’autre orientation, qui consiste à codifier la politique des otages, et traduit une tendance totalitaire, comme la loi des otages du Directoire, ou celle des nazis. Dans tous les cas, on devrait prendre garde à ce point : aucune appartenance à un camp, aucune circonstance, aucun événement ne peut justifier la politique des otages.

Mais si cette pratique doit d’abord être condamnée dans une perspective morale et politique, elle doit aussi être analysée comme tactique effective, singulièrement par les gouvernements qui en sont la cible et devraient admettre que la réprobation verbale et la protestation publique ne sont que de piètres moyens d’action, qui interrogent leur propre volonté. Comme dans le cas du terrorisme – d’ailleurs la prise d’otages n’est rien d’autre qu’une opération terroriste – la société a le droit d’être défendue. Elle aurait le droit de se défendre elle-même si le pouvoir cultivait l’équivoque au point de se récuser lui-même de cette responsabilité et de cette fonction de défense de la sécurité de la société.

Le gouvernement iranien détient Cécile Kohler et Jacques Paris, enseignants et a confirmé retenir aussi Lennart Monterlos, cyclo-touriste. Le gouvernement algérien détient l’écrivain Boualem Sansal, et le journaliste sportif Christophe Gleizes.

Les malheureux otages ne sont ni les responsables, ni la cause immédiate de leur situation. Les coupables ne sont nuls autres que les autocraties iranienne et algérienne. Mais la cause véritable est ailleurs : c’est l’étrange situation dans laquelle s’est placée la présidence macronienne et que nous avons qualifiée de « désaxée ». La séparation inédite de Macron avec la population, avérée dès le mouvement démocratique des Gilets Jaunes, et accentuée jusqu’à l’absurde par la dissolution de 2024, révèle et renforce une carence originelle de puissance véritable, éclairée par une tendance certaine à l’autoritarisme. Indécis, hors-sol, aveuglé par sa suffisance, Macron est une cible idéale pour les états preneurs d’otages. L’excès de puissance fait le malheur des peuples, l’excès d’impuissance aussi.

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